R O M A N S
10/04/2008

De sang et d'ébène
Donna Leon

Calmann-Lévy
310 p / 20,90€

De sang et d'ébène
C'est la période des fêtes de Noël, et le commissaire Brunetti est chargé d'enquêter sur l'assassinat d'un immigrant sans papier. Il s'agit de celui d'un vendeur à la sauvette, en Italie ils sont appelés des « vu cumpra » qui signifie en français « vous » et « acheter ». C'est par ces mots qu'ils invitent les passants à acheter leurs marchandises. Dans ce cas, ce sont des sacs de contrefaçon de grandes marques. Pourquoi a-t-on voulu éliminer cet homme appartenant à une communauté de Sénégalais qui essaye de ne pas attirer l'attention sur elle et qui est rarement harcelée par les autorités ? Brunetti va d'abord essayer de retrouver les compagnons de l'homme, ceux-ci vivent dans l'illégalité et habitent dans des locaux insalubres. En fouillant dans les affaires de la victime, il va trouver des diamants bruts, cachés dans une boîte de sel. Il va taire sa découverte et faire appel à un ami pour en connaître la valeur. Ce dernier va les faire expertiser par les plus grands diamantaires. Il s'agit de très belles pierres qui, une fois taillées, vaudront une fortune. Pourquoi étaient-elles en possession du « vu cumpra » ? Sont-elles à l'origine de sa mort ?
C'est alors que Patta, le supérieur de Brunetti lui apprend que l'affaire lui a été retirée. Le Ministère de l'Intérieur italien va même ordonner la saisie des dossiers du commissaire. Piqué au vif et intrigué, celui-ci va néanmoins poursuivre son enquête. A quoi devait servir l'argent de la vente des diamants et pourquoi lui a-t-on interdit de continuer ses recherches ?

Une enquête subtile menée par un commissaire à qui on ne doit rien interdire, même si la raison d'Etat l'oblige. Une fois de plus, Venise est mise en valeur et l'on se dépayse en imaginant les charmes de cette ville, même en hiver. Donna Leon apporte une touche toute personnelle à ses intrigues et ce nouveau roman devrait ravir ses nombreux lecteurs.

Dany Neuman


Deux doigts de mensonge
Ruth Rendell

Editions des Deux Terres
424 p / 20,50€

Deux doigts de mensonge
Kerstin Kvist, jeune infirmière suédoise, trouve un emploi dans une ancienne demeure habitée par les Cosway, nommée Lydstep Old dans l'Essex. La famille se compose de Julia Cosway, la mère, de ses trois filles, Ida, Ella et Winifred et de Zorah la cadette, devenue Mme Todd et qui vit à Londres. Cette dernière revient de temps en temps dans sa famille. John leur frère, est un personnage bizarre et introverti, c'est d'ailleurs pour s'occuper de lui que Kerstin a été engagée. Dès le premier soir, elle dessinera dans son journal intime cette maison qu'elle habitera désormais. Dans celui-ci, elle consignera ses impressions, jour après jour.
Très vite, Kerstin va se demander pourquoi on lui a proposé cet emploi. Elle n'a pour seules tâches que d'accompagner John en promenade l'après-midi et de lui administrer ses somnifères avant son coucher. Quant à ses sœurs , elles semblent tyrannisées par leur mère, à l'exception de Zorah qui les prend de haut et ne leur cache pas son mépris lors de ses visites. Kerstin sent qu'il y a un mystère derrière cette façon d'isoler John, un être renfermé sur lui-même, refusant qu'on le touche et abruti par les médicaments qu'on lui donne. La jeune femme va découvrir au fur et à mesure les raisons du comportement des membres de la famille et comprendre pourquoi John est gavé volontairement de cachets qui annihilent sa volonté et le transforme en zombie. Tiraillée par ses devoirs envers ses employeurs et la pitié que lui inspire l'état de John, Kerstin a de plus en plus de mal à supporter le climat oppressant qui règne à Lydstep Old. C'est alors qu'un meurtre est commis et qu'elle sera congédiée par Mme Cosway.
Kerstin pouvait-elle imaginer qu'un jour son journal intime serait saisi par la police et que son contenu aiderait à la compréhension des événements survenus. Grâce à celui-ci, John, pour qui elle ressentait une certaine compassion et tendresse, échappera au rôle de coupable idéal qu'on lui destinait.

Une maison d'un autre temps, aussi malsaine que ses habitants, c'est dans ce décor et ce climat que Ruth Rendell fait évoluer ses personnages. Le lecteur sent que peu à peu la situation devient intenable et que le dénouement ne peut qu'être tragique. Un récit riche d'enseignement sur la nature humaine et un livre que l'on referme à regret, tant on est imprégné par l'atmosphère étrange qui s'en dégage.

Dany Neuman


La danse des obèses
Sophie Audouin-Mamikonian

Robert Laffont
313 p / 20€

La danse des obèses
Pierre Javy, un pédophile récidiviste et obèse (environ cent-vingt, cent-trente kilos) est arrêté. Il est conduit à l'hôpital, sérieusement amoché par Madame Gonzalès, mère du petit Pat, dernière victime du monstre. Heureusement il n'a pas eu le temps d'aller jusqu'au viol, l'enfant est confié à un pédopsychiatre.
Le lendemain Javy n'est pas retrouvé dans sa chambre et comme il n'était pas perfusé, il a pu facilement prendre la poudre d'escampette, en assommant son gardien. A-t-il eu un complice ? Ou alors est-ce un de ses ennemis, membres de la famille d'une de ses victimes qui l'aurait enlevé ? Le jour suivant, il est retrouvé (enfin le croit-on) à Rungis, accroché avec des carcasses de bœufs et de cochons, prêt à être découpé et transformé façon steak haché. Il a la bouche et l'œsophage bourrés de bonbons (massacre à coups de friandises).
L'enquête est confiée au capitaine Philippe Heart et au lieutenant Jeanne Firas. A partir de là, nos policiers vont découvrir quantités de choses plus hideuses les unes que les autres. Cela va aller du meurtre d'obèses (d'ailleurs, ils appellent le tueur « l'obèse killer ») au trafic d'enfant et pourquoi pas aux tournages de snuff movies.
Sophie Audouin-Mamikonian nous décrit par le détail, les agissements d'un tueur complètement givré et aimant le gore. Elle nous conduit au cœur des préoccupations d'un serial killer d'obèses. Ce style de bouquin n'est pas vraiment habituel. Le suspense est au rendez-vous et les rebondissements y sont légions, de quoi satisfaire tous les amateurs de polars sanglants mais néanmoins captivants.

Il est étonnant de voir que depuis quelques temps, les filles écrivent des livres aussi gores, voire plus, que certains de leurs confrères masculins.

Patrice Farnier


Mort d'une drag-queen
Hervé Claude

Babel Noir
278 p / 9,50€

Mort d'une drag-queen
Sur la plage de Swanbourne près de Perth, là où le docteur Fremantle balaie tout sur son passage, trois quads avancent. L'un d'eux est piloté par le commissaire Ange Cattrioni. Ils se rendent à l'endroit où a été commis un meurtre, le mort (ou la morte) est une drag-queen. La victime imitait la veille, dans une boîte de Perth, la chanteuse Kylie Minogue. Son nom, Charles Parkers, mais son nom de guerre était Charlène. Dans la même boîte, une fausse Liza Minelli chante « New-York, New-York » et une Tina Turner nous sort un « I will survive » sans inviter Gloria Gaynor.
Le commissaire délègue une partie de son enquête à son copain Ashe (ou sa copine car ils sont tous les deux homos). Ashe va nous faire visiter le milieu interlope australien, de Perth à Sydney en passant par Melbourne, puis va nous faire entrer dans les boîtes homos d'Aukland en Nouvelle-Zélande. Il va aussi nous entraîner dans le milieu sportif australien et surtout dans le rugby qui, d'après lui, ne serait pas un sport aussi macho que l'on pourrait croire. Après une enquête qui nous fait faire le tour de l'Australie, Ashe, après de multiples rebondissements et un suspense à couper le souffle, va démêler la pelote d'embrouille jusqu'au dénouement final.

Hervé Claude nous livre ici un livre totalement inattendu et qui captive le lecteur au point qu'il n'arrive pas à le refermer sans connaître la fin. Bien que grand amateur de rugby, je n'arrive pas à imaginer que des joueurs connus puissent se transformer en drag-queen. Les vestiaires, les douches, allez donc savoir ! Ce bouquin émet des doutes sur le monde de ce sport dit viril, voire macho.

Patrice Farnier


Les jardins de la mort
George Pelecanos

Seuil Policiers
368 p / 22€

Les jardins de la mort
En 1985 à Washington, trois meurtres d'enfants ont lieu. La police a surnommé le coupable « le tueur au palindrome » car curieusement, celui-ci s'est attaqué à des adolescents dont le prénom pouvait se lire dans les deux sens. Le sergent T.C.Cook échouera cette fois-ci dans son enquête et l'assassin ne sera pas retrouvé. Les deux agents qui se trouvaient sur la scène du crime s'appelaient Gus Ramone et Dan Holiday.
Vingt ans plus tard, un jeune noir est retrouvé mort, une balle dans la tête, il se prénommait Asa.
Dans le même temps, un jeune délinquant, Romeo Brock, accompagné de son cousin, s'en prend à un trafiquant de drogue, Tommy Broadus, et à son argent. Sous la menace, celui-ci leur remet une grosse somme soigneusement dissimulée sous un aquarium. Brock, en partant, embarque la petite amie qui est consentante, mais ne se doute pas qu'il a signé son arrêt de mort.
L'enquête sur la mort du jeune Asa s'avère difficile, le jeune adolescent était très secret et fuyait ses camarades. Ce nouveau meurtre, qui semble à nouveau signé par « le tueur au palindrome », va réunir Ramone qui est devenu inspecteur et Holiday qui lui, a démissionné de la police et créé une société de voitures avec chauffeur. Ils vont surmonter leur rancœur réciproque et faire appel aux compétences de T.C.Cook, maintenant à la retraite, et qui n'a jamais digéré son échec. Ensemble, ils vont essayer de coincer ce tueur qui lui a échappé dans le passé.

Un excellent roman policier qui va plus loin que la résolution d'une enquête. L'auteur y aborde le thème du racisme et plus généralement du droit à la différence. C'est aussi un bel hommage aux policiers qui n'abandonnent jamais l'espoir de venger un jour les malheureuses victimes.

Dany Neuman

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