R O M A N S
05/02/2010

La guerre de Stratton
Laura Wilson

Editions Albin Michel
524 p / 24,00 €

La guerre de Stratton
Juin 1941. Londres est la cible des bombardements allemands. Il y a ceux qui ont pu évacuer la capitale, et les autres qui doivent s'accommoder de passer leurs nuits dans les abris ou le métro. Malgré le couvre feu, la Luftwaffe cause chaque nuit de lourdes pertes parmi la population.
Dans ce contexte, le corps empalé sur une grille de Mabel Morgan, ancienne gloire du cinéma, n'émeut pas grand monde, et est rapidement classé parmi les suicides. D'après l'inspecteur Ted Stratton, ce n'est pourtant pas en se défenestrant que les femmes choisissent d'en finir. Alors, accident ?… Ou exécution ? comme semble indiquer la visite de deux gangsters à Joe Vincent, colocataire et ami de Mabel.
Diana Calthrop, elle, est issue de la bonne société. Si elle a choisi de travailler pour le colonel Forbes James dans le contre espionnage, ce n'est pas tant par patriotisme que pour fuir la maison de sa belle-mère qu'elle hait. Son boulot au sein de la Division B5 (b) l'amène à infiltrer le Right Club, une sympathique organisation pro nazie dont la devise est "Périsse Judas". Elle ferra également la rencontre de Claude Ventriss, séducteur sulfureux qui hante les couloirs de Dolphin Square.
C'est alors que Sir Neville Apse fait irruption dans le boulot de Diana et Stratton. Soupçonné de renseigner l'ennemi grâce à ses entrées au Ministère de la Guerre d'un côté, et relié indirectement à un meurtre de l'autre, il est le lien entre les Services secrets et la pègre. Détaché au service de Forbes James, Stratton va enquêter sur Apse et faire la connaissance de Diana. Alors que tout devrait les séparer, une étrange complicité se crée entre eux. Tous deux vont apprendre, comme le rappelle Laura Wilson, que "la vérité est la première victime de la guerre".

Histoire de chantage et de trahison, "La guerre de Stratton" nous plonge dans l'atmosphère oppressante du Blitz, où la raison d'Etat justifie bien des choses. Les personnages y sont bien dépeints, tiraillés entre leurs désirs et le cadre strict d'une société très puritaine. Dans un contexte historique rarement évoqué, Laura Wilson signe un très bon roman, complexe et dense.

Bunny Parker


Starvation lake
Bryan Gruley

Editions Le Cherche Midi
472 p / 20 €

Starvation lake
Le récit se passe dans l'Etat du Michigan, à la frontière canadienne. Gus Carpenter, journaliste, après avoir travaillé une dizaine d'années dans un grand quotidien national, le « Detroit Times », revient chez lui à Starvation lake. C'est au « Pilot », le journal local, qu'il est embauché, là où il avait fait ses débuts de reporter. Triste retour à la case départ.
Dans cette petite ville où il a grandi, les hivers sont rigoureux et les distractions rares. Pourtant un homme, Jack Blackburn, allait faire vivre une merveilleuse aventure à tous les jeunes de la ville. Il les avait initiés au hockey sur glace et était devenu leur entraîneur. Le « coach » comme ils l'appelaient tous, les avait amenés au plus haut niveau. L'ascension de l'équipe de hockey amena la prospérité à la ville qui devint une véritable station estivale au bord du lac. Le goal de l'équipe des « River Rats » n'était autre que Gus Carpenter et c'est lui qui, malheureusement, avait encaissé un but, annulant leur chance de remporter le championnat d'Etat. Cette défaite devait le stigmatiser à vie.
Tout changea soudain, après l'accident survenu à Jack Blackburn qui était mort noyé, la glace avait craqué sous le poids de sa motoneige. Ni le corps, ni le véhicule n'avaient été retrouvés.
Et voilà que dix ans plus tard, la motoneige de l'entraîneur de l'équipe de hockey est découverte, percée d'un impact de balle. Gus Carpenter va chercher à élucider ce mystère. Revenu parmi ceux avec qui il avait grandi, jouant à nouveau au hockey avec eux, Gus n'arrive pas à croire qu'au milieu de ces gens qu'il connaît si bien, se trouve un assassin. Parallèlement à l'enquête qu'il décide de mener, il doit faire face à une plainte de son ancien employeur, suite à un article assassin qui lui valu son renvoi du journal. Poursuivi en justice, il doit affronter des personnes suffisamment puissantes pour le broyer.

Formidable récit dans lequel vous découvrirez un sport très viril où la technique mais aussi les feintes peuvent conduire à la victoire. L'auteur rend hommage au hockey sur glace mais aussi à l'esprit d'équipe. L'enquête est passionnante et nous entraîne dans une petite ville où chacun préfère garder ses secrets plutôt que de remuer le passé, mais celui-ci vous rattrape tôt ou tard. Ce premier roman est captivant, Bryan Gruley sait maintenir le suspense tout au long des pages. Un nouveau romancier nordique avec lequel il faudra compter désormais.

Dany Neuman


Sauver sa peau
Lisa Gardner

Editions Albin Michel
416 p / 19,90 €

Sauver sa peau
En 1982, alors qu'elle avait sept ans, Annabelle Granger et ses parents ont fuit Boston, n'emportant que le minimum. La mère choisit la ville, le père les prénoms, et en voiture Simone ! Leur vie aurait pu recommencer en Floride, jusqu'à ce que le paternel ne ressorte les cinq valises. Phoenix , Kansas City, Saint Louis … Régulièrement, la famille file à l'anglaise, refilant au fil des ans sa parano galopante à Annabelle / Sally / Sophia / Lucille. A 22 ans, Annabelle choisit de revenir à Boston sous le pseudo de Tanya Nelson. Elle y mène une vie solitaire, en compagnie de sa chienne Bella, et collectionne les verrous à sa porte.
Aussi est-elle interloquée d'apprendre dans le journal qu'un médaillon au nom d'Annabelle Granger a été retrouvé au cou d'une gamine. Ladite gamine enveloppée depuis belle lurette dans un sac poubelle en plastique, côtoyant cinq autres gamines habillées par Albal. Tout ce petit monde soigneusement aligné au fond d'une fosse, elle-même dissimulée dans le parc de l'ancien hôpital psychiatrique de Boston. Ces 6 corps, très probablement l'œuvre de Richard Umbrio, font peut-être partie des victimes qu'il n'a pas revendiquées. Et qu'il ne revendiquera plus, vu qu'il a été abattu il y a deux ans.
Annabelle rencontre les inspecteurs Warren et Dodge, chargés de l'enquête : en 1982, peu avant que sa famille ne joue les filles de l'air, elle avait prêté son médaillon à sa meilleure amie et voisine, Dori. Si Warren et Dodge ne hululent pas de joie, c'est parce qu'en 1982, Umbrio était en prison. Alors, qui est l'auteur de ces meurtres ? Un complice d'Umbrio ? Un ancien de l'HP ? Et quelle menace fuyait il y a 25 ans le père d'Annabelle ?

Il faut absolument lire "Sauver sa peau" en écoutant la BO d'Howard Shore "Le Silence des Agneaux" ! Jusqu'à la dernière page Lisa Gardner tient son (Hannibal) lecteur en haleine, dans cette histoire tordue de personnages doubles.

Bunny Parker


Le fruit du doute
Alain Bron

Odin éditions
228 p / 19,50 €

Le fruit du doute
Le bois de Vincennes, un magnifique matin du début du mois de juin, trop beau même, car une fillette y est découverte étranglée. Le crime a été commis par derrière avec un foulard ou une écharpe. La trace laissée sur le cou est large et ne correspond ni à un fil ni à une cordelette.
Le commissaire Gérôme Berthier, le lieutenant Malavaux et le commissaire stagiaire Véronique Peyrou, sont convoqués sur les lieux de la macabre découverte. Le corps n'a pas été touché, il est face contre terre, la petite culotte de la gamine est baissée mais aucun viol n'a été commis. Après les constatations d'usage, le petit cadavre est confié au médecin légiste pour autopsie. Tout le monde au 36, le surnomme Frankenstein. Charmant ! D'après lui, la victime aurait été droguée.
Une enquête est diligentée et après quelques interrogatoires, un portrait-robot est réalisé. Il ressemble à un certain caporal autrichien et bien vite tous les flics le surnomme Adolphe. Le même jour, Berthier trouve au pied de son immeuble, dans un carton, un bébé de quelques jours. Il va donc mener de front deux enquêtes, trouver le meurtrier de la petite et la mère du petit Kévin. Pourquoi Kévin ? Parce qu'il a été trouvé le 3 juin, jour du saint du même nom.
Les recherches policières partent dans tous les sens, il n'est pas évident de mener en même temps, deux enquêtes aussi importantes. Le commissaire va aussi avoir du fil à retordre avec sa fiancée Agathe, qu'il voit de moins en moins et surtout à des heures impensables, le lot commun de beaucoup de policiers. Je citerai une phrase de l'auteur : « Je ne supporte pas les collègues qui se planquent dans les fourrés pour prendre au collet l'automobiliste fautif, il y a plus utile à faire… »

Alain Bron fait durer le suspense mais nous scotche au bouquin tant il nous embrouille savamment avec les deux affaires. L'auteur y mêle humour et tendresse et surtout nous réserve bien des surprises.

Patrice Farnier


L'école des dingues
Cornelia Read

Editions Actes Sud
302 p / 22 €

L'école des dingues
Madeline a décroché un job à l'académie Santangelo, dans le Massachussetts. Habituellement, les profs ne s'y éternisent pas, et pour cause : les élèves sont des ados violents, et/ou toxicos et/ou suicidaires, qu'aucune autre institution n'accepte de prendre en charge. Précisons également que les méthodes éducatives y sont des plus originales, vu qu'enseignants et élèves se doivent de participer à des entretiens psychologiques, et qu'un dortoir disciplinaire baptisé "la Ferme" accueille les gamins récalcitrants quand les cachets n'ont pas suffit. Ce joyeux cirque est dirigé par le bon docteur Santangelo, lequel n'oublie évidemment pas de facturer ses services au prix fort.
Madeline en est donc, avec sa copine Lulu, à s'interroger sur les raisons qui font qu'elles restent. Nicotine et caféine étant proscrites dans l'enceinte de l'école, elles doivent se planquer pour en griller une. D'un autre côté elle ne se sent pas le cœur d'abandonner les mômes à ses collègues franchement peu recommandables. A la sortie d'un cours, Mooney confie à Madeline que sa petite amie Fay est enceinte. Il faut que Madeline garde le secret jusqu'à l'anniversaire de Fay, la semaine prochaine. Officiellement majeurs, les deux gamins pourront alors s'enfuir de l'école, et Fay pourra avorter du bébé. Lors de la fête d'anniversaire, alors que le punch pour mômes coule à flots, Madeline se trouve mal. Elle tente de faire quelques pas dehors, mais s'écroule, inconsciente. Elle se réveille dans la chambre de Lulu, encore sonnée, apprend que Fay et Mooney sont morts, et que les flics débarquent. Mais il ne s'agit pas d'un suicide et elle-même a été empoisonnée la veille, c'est ce qu'elle entend bien raconter aux deux inspecteurs de Stockbridge. Sauf que rapidement, dans la cervelle étroite du commissaire Cartwright, Madeline commence à ressembler à la coupable idéale, d'autant qu'une vieille affaire de meurtre à Syracuse refait surface. Qui appelle-t-on quand tout se ligue contre vous ? L'agence tout risques ? Nan, l'oncle Alan, bien sûr, et sa kyrielle d'avocats de haut vol…

Avec un humour féroce, Cornelia Read s'en prend à une société de la normalité, où déviances et dingueries sont endiguées si on peut arroser de billets verts les poches adéquates. "L'école des dingues" règle leurs comptes aux gourous et pseudo thérapeutes de tout poil. C'est rafraîchissant, et diablement salutaire ! Gloire à Cornélia Read !

Bunny Parker

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